Perspectives marché

L’upcycling s’invite sur les podiums : du concept DIY au statement couture

March 18, 2025
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8 min de lecture

Longtemps relégué au rang d’expérimentation artisanale, l’upcycling s’impose aujourd’hui comme un langage mode à part entière. Des ateliers de la haute couture aux défilés de prêt-à-porter, les créateurs réécrivent les codes du luxe avec des vêtements réassemblés, déstructurés et métamorphosés.

Entre artisanat d’exception et manifeste écologique, l’upcycling n’est plus une simple alternative à la surproduction, mais bien une vision créative et radicale. Marine Serre, Balenciaga, Maison Margiela et Coperni l’élèvent au rang d’art. Kevin Germanier, lui, le propulse dans un futur fait de paillettes récupérées et de cristaux upcyclés, où la durabilité ne rime plus avec austérité.

Dans un marché de plus en plus tourné vers la circularité, l’upcycling redéfinit la rareté, l’exclusivité et le storytelling. Une révolution qui séduit les créateurs… et les marques.

Upcycling et haute couture : quand la transformation devient l’ultime luxe

Loin de l’image folklorique du patchwork fait maison, l’upcycling s’infiltre aujourd’hui dans l’univers ultra-codifié du luxe.

Marine Serre, pionnière du genre, en a fait l’ADN de sa marque. Lors de son dernier défilé Automne-Hiver 2024, elle a prouvé que le réemploi peut être aussi raffiné que disruptif. Ses robes coupées dans des foulards vintage, ses corsets taillés dans des serviettes de bain brodées et ses trenchs recomposés à partir de jeans de seconde main n’ont plus rien du “système D” : ils sont devenus une signature. Chaque pièce est une énigme textile, où le passé se fond dans une silhouette ultra-contemporaine.

Chez Balenciaga, l’upcycling s’exprime dans une version plus brute et architecturale. Pour son défilé Garde-Robe 2024, Demna a puisé dans les archives de la maison et des pièces vintage pour déconstruire et recomposer trenchs, tailleurs et manteaux en les hybridant avec des éléments inattendus. Le concept : redéfinir le vêtement sans en altérer l’essence. Une ode à la réinterprétation, où chaque couture devient manifeste.

Mais c’est bien John Galliano chez Maison Margiela Artisanal qui a offert la démonstration la plus magistrale de l’upcycling haute couture cette saison. Pour son dernier défilé, il a puisé dans l’histoire de la mode et du costume, transformant des rideaux anciens en robes du soir XVIIIe revisitées, métamorphosant des vestes militaires vintage en tailleurs ultraprécis. L’upcycling devient ici un exercice de mémoire et d’émotion, où chaque tissu raconte une histoire, chaque couture préserve une trace du passé.

Le futur est upcyclé : Coperni et Kevin Germanier bousculent les codes

Si les grandes maisons revisitent l’upcycling avec une sophistication extrême, une nouvelle génération de designers en fait une arme de disruption radicale.

Chez Coperni, Sébastien Meyer et Arnaud Vaillant n’ont pas attendu que la mode devienne circulaire pour jouer avec les matériaux récupérés. Leur veste iconique

en airbags recyclés, dévoilée lors du défilé Automne-Hiver 2023, a secoué l’industrie en réinventant le rapport entre mode et innovation technique. Cette approche expérimentale de l’upcycling va bien au-delà du simple discours écologique : elle incarne une vision futuriste du vêtement.

Mais le vrai prodige du mouvement, c’est Kevin Germanier. Diplômé de la Central Saint Martins, il s’est fait connaître par son esthétique explosive : robes en cristaux Swarovski récupérés, vestes en tissus upcyclés brodées de perles colorées, silhouettes futuristes assemblées à partir de chutes de tissus haute couture. Son credo ?

“Faire du beau avec du déjà existant.” Son dernier défilé Automne-Hiver 2024 en est la parfaite illustration : une explosion de textures et de couleurs, où l’upcycling devient synonyme d’opulence, de glamour et d’extravagance.

Exit l’idée que le durable rime avec minimalisme : Germanier prouve que l’upcycling peut être maximaliste, ultra-désirable et, surtout, festif.

Un levier de transformation pour l’industrie de la mode

Si l’upcycling séduit les podiums, il représente aussi une formidable opportunité business pour les marques.

Un nouveau levier de désirabilité et d’exclusivité

Chaque pièce upcyclée est unique, impossible à reproduire en série. Une robe Margiela en tapisserie ancienne ? Une seule et unique version. Une veste Coperni en airbags ? Une série limitée. Ce caractère exclusif nourrit une nouvelle forme de luxe, où la rareté ne se mesure plus en prix, mais en singularité.

Un storytelling puissant et engageant

Dans une ère où les consommateurs exigent transparence et sens, l’upcycling permet de raconter une histoire forte. D’où viennent ces tissus ?

Comment ont-ils été transformés ? Qui leur a donné une seconde vie ? Des marques comme Marine Serre ou Isabel Marant intègrent désormais ces récits directement

dans leurs campagnes et fiches produits, renforçant ainsi l’engagement client.

Une opportunité business pour le retail et la seconde main

L’upcycling ne se limite plus aux créateurs. Il s’intègre désormais aux stratégies des grandes marques. Isabel Marant, Vanessa Bruno et Balzac Paris, en partenariat avec Faume, testent des capsules upcyclées conçues à partir de stocks dormants et d’anciennes collections. Résultat ?

-86 % des pièces upcyclées vendues en moins de trois mois

-+226 % d’articles repris en boutique après le lancement d’un programme de circularité

-+121 % d’upsell grâce à l’intégration de l’upcycling et de la seconde main en retail

L’upcycling : de la tendance à la révolution systémique

Si l’upcycling a longtemps été un terrain d’expérimentation pour une poignée de créateurs, il est en train de devenir un pilier stratégique pour toute l’industrie.

Mais pour que cette transition fonctionne à grande échelle, elle doit être pensée avec intelligence et cohérence :

Adapter les process de production sans dénaturer la créativité : intégrer l’upcycling sans le transformer en un simple argument marketing.

Structurer l’offre pour répondre à la demande croissante : organiser la collecte de matières premières, repenser la logistique et fluidifier l’intégration en boutique et

en e-commerce.

Offrir une expérience client haut de gamme : faire de l’upcycling un véritable service premium, avec une approche sur-mesure et une attention au détail digne des pièces neuves.

Le luxe de demain ? Transformer l’existant

Alors que la Fashion Week parisienne battait son plein la semaine dernière, une chose est sûre : la mode ne peut plus ignorer la question de la circularité.

L’upcycling, longtemps perçu comme une alternative de niche, s’impose désormais comme un passage obligé.

L’avenir du luxe ne sera pas dans la production à outrance, mais dans la transformation de ce qui existe déjà. Une robe Galliano upcyclée, une veste Germanier cousue

de cristaux récupérés, une pièce Balenciaga recomposée à partir d’archives, un sac Dior seconde main : voilà le nouveau chic.

Une mode qui ne consomme plus le monde, mais qui le réinvente.

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