Perspectives marché

Luxe et seconde main : un duo gagnant

Jan 30, 2025
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6 min de lecture

La seconde main n’est plus une simple alternative au neuf. Elle redessine les contours de l’industrie du luxe, remettant en question des pratiques bien ancrées et forçant les grandes maisons à évoluer. Ce marché florissant, estimé à 350 milliards de dollars d’ici 2030 (source : BCG), transforme le rapport des consommateurs au luxe, leur perception de la durabilité et le modèle économique des marques haut de gamme.

Le luxe et la seconde main : une alliance naturelle

Depuis toujours, le luxe incarne des valeurs d’intemporalité et de transmission. Les pièces iconiques comme le sac Birkin d’Hermès, les malles Louis Vuitton ou encore les tailleurs Chanel ne sont pas seulement des objets de désir : ce sont des investissements. Le marché de la seconde main renforce cet héritage en offrant une nouvelle vie à ces créations, tout en consolidant leur image d’intemporalité.

Certaines pièces atteignent même des prix records sur le marché secondaire. En 2022, un sac Birkin Himalaya d’Hermès a été vendu aux enchères pour près de 450 000 euros, illustrant la valeur croissante des articles de luxe dans ce contexte. Cette montée en puissance confère aux grandes maisons un rôle central : celui de gardiennes d’un patrimoine aussi désirable qu’éternel.

Les consommateurs, en quête de sens et de durabilité, participent à cette transition. Selon une étude de Bain & Company, près de 65 % des acheteurs de produits de luxe d’occasion affirment que l’intemporalité et la qualité sont leurs principales motivations.

L’entrée stratégique des maisons de luxe dans la seconde main

Face à la croissance exponentielle du marché secondaire, plusieurs grandes marques ont pris des initiatives concrètes pour s’y intégrer :

Gucci a été l’une des premières maisons à collaborer avec The RealReal, une plateforme de revente de produits de luxe. Cette collaboration permet à Gucci de certifier l’authenticité des pièces et de renforcer son contrôle sur son marché secondaire.

Burberry s’est associé à Reflaunt pour offrir un service de revente intégré à ses clients. Ceux-ci peuvent ainsi retourner des pièces qu’ils ne portent plus et recevoir des crédits à dépenser sur les nouvelles collections.

Stella McCartney, pionnière en matière de durabilité, s’est associée dès 2018 à The RealReal pour inciter ses clients à revendre leurs pièces, tout en sensibilisant à la mode circulaire.

Balenciaga a récemment annoncé une collaboration avec Reflaunt, permettant la revente directe de ses créations via un processus simplifié.

Ces initiatives ne sont pas uniquement motivées par des enjeux économiques. Elles permettent aux maisons de répondre à des attentes grandissantes en matière de durabilité, tout en s’assurant de contrôler leur image de marque et l’authenticité des articles revendus.

En intégrant ces plateformes, les marques transforment un défi en opportunité : fidéliser leurs clients tout en s’ouvrant à une nouvelle audience, souvent plus jeune.

Les consommateurs : au cœur de la révolution circulaire

Les nouvelles générations jouent un rôle clé dans l’essor de la seconde main. Les millennials et la génération Z, qui représenteront environ 70 % du marché du luxe d’ici 2025 (source : BCG), privilégient de plus en plus des pratiques de consommation responsables.

Selon le Bain Luxury Study 2023, 44 % des acheteurs de luxe âgés de 18 à 34 ans ont déjà acheté un produit de luxe d’occasion, une proportion en constante augmentation. Ces jeunes consommateurs recherchent :

L’exclusivité : Des pièces rares et vintage qui racontent une histoire.

L’accessibilité : La seconde main permet d’accéder au luxe à des prix plus abordables.

La durabilité : Une alternative aux modes de consommation traditionnels, jugés excessifs.

Sur les réseaux sociaux, ces motivations se traduisent par des tendances virales. Par exemple, le hashtag #VintageChanel sur Instagram compte plus de 1,5 million de publications, tandis que des créateurs sur TikTok partagent leurs trouvailles dans des friperies de luxe, cumulant des millions de vues.

Les défis du marché secondaire pour les grandes maisons

Si la seconde main offre des opportunités indéniables, elle n’est pas sans poser des défis majeurs pour les marques de luxe :

1. La lutte contre la contrefaçon

Le marché secondaire est souvent associé à des risques de contrefaçon. Des maisons comme Louis Vuitton ou Rolex investissent massivement dans des technologies comme la blockchain pour garantir l’authenticité de leurs produits.

2. Le paradoxe du prix

Comment justifier le coût élevé d’une nouvelle collection lorsque des pièces similaires, parfois en excellent état, sont disponibles à un prix réduit sur des plateformes de seconde main ? Les marques doivent désormais capitaliser sur leur savoir-faire, leur exclusivité et l’expérience client pour préserver leur positionnement.

3. Le contrôle de l’image de marque

En entrant sur le marché secondaire, les maisons doivent veiller à maintenir une cohérence entre leur univers de marque et la manière dont leurs produits sont revendus. Des initiatives comme celles de Gucci ou Burberry, qui impliquent directement les marques dans la revente, permettent de relever ce défi.

Vers un modèle économique hybride

L’essor de la seconde main pousse les grandes maisons à repenser leur modèle économique. Certains acteurs adoptent une approche hybride, combinant la vente de produits neufs et la gestion de leur propre marché secondaire.

Le programme “Worn Wear” de Patagonia, bien que relevant davantage de la mode outdoor que du luxe, sert d’exemple inspirant. En offrant un service de réparation et de revente d’articles usagés, la marque fidélise ses clients tout en renforçant son engagement environnemental.

Dans le luxe, une stratégie similaire pourrait permettre aux grandes maisons d’accompagner leurs clients tout au long du cycle de vie des produits, de l’achat initial à la revente ou à la réparation.

Une redéfinition du luxe dans une ère circulaire

La montée en puissance de la seconde main confirme une évolution profonde dans les attentes des consommateurs. Désormais, le luxe ne se limite plus à la possession exclusive d’un produit neuf. Il s’inscrit dans une démarche plus responsable, où qualité, durabilité et authenticité occupent une place centrale.

En embrassant cette tendance, les grandes maisons ne font pas qu’adopter une stratégie économique astucieuse. Elles participent à redéfinir ce que signifie le luxe à l’ère du changement climatique et des attentes croissantes en matière de transparence.

Comme l’a récemment déclaré Antoine Arnault, directeur général de Berluti et membre du conseil d’administration de LVMH :

“Le luxe a toujours été une affaire de durabilité. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est une opportunité de rappeler que nos produits sont faits pour durer, et parfois pour être transmis de génération en génération.”

La seconde main, loin de concurrencer le neuf, en devient un prolongement naturel, réaffirmant les valeurs fondamentales du luxe : l’excellence, la rareté et la célébration du temps.

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